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Enfants dyslexiques et rédaction d’une histoire

Préambule

Je propose de découvrir une étude intéressante concernant l’activité d’écriture auprès d’enfants dyslexiques dysorthographiques. J’ai résumé l’article mais l’ensemble du document est bien entendu disponible en ligne.

Ce type de recueil m’apporte une réflexion sur la manière d’appréhender les déficits. Cela me permet de cibler davantage les difficultés des patients et d’ajuster un choix d’intervention. Grâce à cette lecture, les projets thérapeutiques élaborés sont affinés et nourris par une recherche permanente qui tente de répondre au mieux aux besoins des jeunes.

Au-delà de cette investigation personnelle, ce protocole fournit quelques explications à toutes personnes qui seraient en lien direct ou indirect avec la dyslexie. En effet, une telle étude offre une argumentation objective et souligne l’intérêt de la mise en place de moyens de compensation ou d’aménagements raisonnables qui sont à proposer dans les classes ou en séance de logopédie.

« Corpus et activités rédactionnelles d’adolescents dyslexiques dysorthographiques en contexte de soins courants orthophoniques. »

Édition électronique : URL : http//journals.openedition.org/corpus/4446 Éditeur : Bases ; corpus et langage–UMR 6039
Auteures : Agnès Witko et Florence chenu
Ce document a été mis en ligne le 1er janvier 2019.

Introduction

La proportion de dyslexiques se situe entre 5 et 10 % chez les enfants âgés de 8 à 12 ans. Les lecteurs dyslexiques connaissent des soucis pour identifier précisément et rapidement des mots écrits, alors qu’ils possèdent une compréhension orale satisfaisante. Ils rencontrent également des difficultés dans la mémorisation de la forme orthographique des mots. Ce phénomène explique la dysorthographie. La dyslexie apparaît plus souvent combinée qu’isolée. Plusieurs troubles « dys » (dyscalculie, dysgraphie, dyspraxie) peuvent coexister.

Cette recherche a pour objectif de mieux comprendre les processus cognitifs engagés dans l’activité rédactionnelle de textes manuscrits produits par des adolescents dyslexiques dysorthographiques.

1. Complexité de l’activité rédactionnelle

1.1. Processus cognitifs mobilisés dans l’activité rédactionnelle

La composition de texte est reconnue comme une activité qui stimule de nombreux mécanismes cognitifs. Cette activité relève donc d’un mécanisme d’apprentissage long et compliqué.

Le modèle de Flowers et Hayes définit trois processus principaux :

1) La planification : le scripteur va développer des idées en lien avec un thème donné grâce à des savoirs stockés en mémoire à long terme et à la familiarité qu’il a avec le sujet.

2) La traduction ou mise en mots : le scripteur transpose les idées lexicalement et syntaxiquement.

3) La vérification : le scripteur examine le texte, le précise et le corrige.

Kellogg’s attire l’attention sur les interactions entre trois éléments :

1) La formulation : la planification et la traduction.

2) L’exécution qui dépend de programmes moteurs hautement automatisés chez l’adulte.

3) Le contrôle : opération d’évaluation de lecture et d’édition de texte.

1.2. Écrire des lettres, des mots et des unités plus complexes.

Les traitements graphomoteurs reposent sur trois habilités principales :

1) La motricité fine : le scripteur manie un instrument de traçage des lettres.

2) L’intégration visuelle motrice qui transforme l’image visuelle d’une lettre en réponse motrice appropriée.

3) Les habiletés proprioceptives et kinésiques qui favorisent tous les réglages corporels en mouvement, postures, pression et tension.

L’évolution de l’écriture s’objective classiquement selon deux critères : la vitesse et l’écriture.

Chez les enfants « neurotypiques », le processus développemental de l’écriture s’accélère autour de 10 ans. Il est automatisé vers 11 ans et atteint une stabilité vers 14 ans. Ces observations suggèrent que les aptitudes graphomotrices nécessaires à la production de textes sont pleinement opérationnelles à partir de cet âge. Les adolescents qui ne maîtrisent donc pas l’écriture sont lourdement désavantagés. Lors d’une activité d’écriture, ils doivent mener différentes démarches : organiser leurs pensées, la traduire en mots et la transcrire selon les règles du système d’écriture. Différentes exigences influent également sur la lisibilité d’une réalisation écrite : le type de tâches, la consigne donnée, un système orthographique transparent ou opaque, ainsi que les variations allographiques selon les écritures.

1.3. Écrire malgré un système de traitement limité.

Les scripteurs dyslexiques font davantage de pauses et leur écriture serait moins lisible. Cela pourrait être expliqué par les déficits de codage/décodage qui génèrent des difficultés dans la production orthographique des mots. Le coût procédural de transcription des mots aura un effet nuisible sur la programmation des phrases. Écrire trop lentement provoque des ruptures dans le processus d’élaboration d’un texte. La lisibilité des productions des enfants dyslexiques est moins

bonne lorsque les mots sont moins fréquents. Chez les enfants dyslexiques, les pauses sont en moyenne plus longues et le temps de pause est plus important malgré une absence de retard graphomoteur, ce qui laisse penser que l’augmentation du temps de pause exprime des difficultés dans le traitement orthographique et rédactionnel.

Les scripteurs dyslexiques auraient des problèmes à deux niveaux : les représentations allographiques et l’intégration visuo-motrice qui est moins efficiente en raison d’un déficit entre traitement visuel et moteur .

Des pauses longues entre les mots pourraient démontrer des traitements orthographiques défaillant tandis que des pauses plus longues aux frontières entre propositions ou phrases révèleraient plutôt des traitements de planification plus ou moins performants.

2. Recueil des données de réalisation écrite en contexte de soins courants orthophoniques.

Deux tâches sont présentées à des adolescents afin d’obtenir deux types de textes narratifs :

1) La tâche du « chaperon rouge » : on demande de rédiger une histoire avec un début, un développement et une fin en utilisant cinq images, mais qui ne dévoile pas la chute de l’histoire.

2) La tâche de « l’évasion » qui consiste à produire un texte narratif à partir du début d’un texte écrit.

3. Résultats

Les participants ont produit des textes dans l’ensemble plus courts que ce qui est observé chez d’autres individus. Différents types d’erreurs altèrent régulièrement la lisibilité des textes :

1) Erreurs allographiques : présence de majuscules au milieu d’énoncés.

2) Erreurs orthographiques : phonographiques, morphographiques, lexicales et de segmentation.

3) Traces de dysfluence : ratures et réécritures par-dessus des lettres déjà écrites.

3.1 Vitesses d’écriture

Les vitesses moyennes d’écriture sont en dessous de ce qui est observé pour des adolescents et correspondent plutôt à des vitesses moyennes relevées chez des élèves de 10 à 11 ans.

3.2 Pauses

Dans les textes des participants, on note des étendues de pause entre les mots et la ponctuation qui sont en moyenne bien plus longues que ce qui est relevé habituellement.

3.4 Révisions

Il y a peu d’actes de relecture en cours de productions. Il y a quelques révisions sans traces, c’est-à-dire que le liseur ne peut deviner que le scripteur est revenu en arrière.

L’analyse de ses textes a permis de mettre en évidence six observations principales :

1) Textes qui contiennent moins de mots ;
2) Erreurs allographiques ou orthographiques ;
3) Vitesse moyenne d’écriture ;
4) Longueurs de pauses comparables à des enfants plus jeunes ; 5) Pauses longues défavorables à l’élaboration du texte.
6) Peu d’opérations de relecture.
4. Discussion générale

Un tel protocole apporte un éclaircissement sur les fonctionnements de l’écriture et souligne des observations qui ne seraient pas perceptibles pendant une séance de logopédie. L’indication des stratégies d’action se précise : donner des moyens en lecture, en mémoire à long terme ou de travail, consolider la planification, soutenir la mise en mots ou la transcription, et éduquer la relecture.